La direction artistique dans Batman, la série animée

Publié le : 24 avril 2017

Premier numéro d'une série d'articles sur les dessins-animés étudiés à travers leur Direction Artistique. Des œuvres à montrer à vos enfants les yeux fermés (pas les yeux des enfants hein… sinon ça ne marche pas).

Batman The Animated Séries est une série produite par Bruce Timm et sortie en 1992. C’est un excellent exemple du rôle de la Direction Artistique dans l’animation. Nous allons voir ensemble en quoi ce dessin-animé est à regarder de toute urgence.

 

LE FOND

L’héritage des ainés

Avant même de s’atteler aux couleurs, au style graphique ou au ton des dialogues, une œuvre se pense dans un contexte et celui du Batman de Bruce Timm est particulièrement chargé de références. L’équipe de production nous démontre ici que l’énorme travail de recherches et d’inspiration fourni pour la construction du dessin-animé est un élément constitutif de sa réussite.

D’abord, il faut savoir que cette production fut créée pour faire le pont entre les deux films de Tim Burton. C’est en partie pour cela qu’on y retrouve le thème musical de Danny Elfman qui signe la bande-son des films. Revisitée de façon brillante par Shirley Walker, cette orchestration ne vous sort plus de la tête une fois entendue.

 

 

 

Le film noir

L’hommage se poursuit avec une esthétique du film noir (dont le genre cinématographique trouve son origine en France et se développe à partir des années 40) qui s’inspirait déjà des nouvelles et romans de détectives privés (tiens ? détective ? ça se tient). On retrouve ainsi dans la série cette ambiance de films sombres sur fond d’enquête interlope qu’un détective de seconde zone se coltine pour les beaux yeux d’une femme fatale avide et manipulatrice. Pas convaincus ? revoyez le Faucon Maltais de John Huston ou La soif du Mal d’Orson Welles.

 

 

Le ton est également emprunté aux dessins-animés Superman de Max Fleischer produits à partir de 1941. Souvenez-vous :

 

 

 

 

It’s a bird, it’s a plane… It’s Superman !

 

Pas étonnant dès lors qu’on retrouve dans la série un bestiaire de vilains particulièrement soigné, inspiré de ces premières œuvres où l’Amérique rentrait en guerre contre le méchant le plus caricaturé du globe.

 

Les inspirations multiples

Mais Bruce Timm va chercher encore plus loin ses références pour construire son univers de la série : l’asile d’Arkham par exemple est directement inspiré des histoires d’Howard Philips Lovecraft, l’écrivain américain connu pour ses récits fantastiques et d’horreur, notamment le célèbre mythe de Chtulu. Ses récits mettent souvent en péril la santé mentale de ses protagonistes dans un univers cynique et pourri. L’essence même d’Arkham en somme.

 

La Direction Artistique de l’image à la bande-son

Bruce Timm est aussi aller chercher les meilleures voix pour parfaire son tableau. Que ce soit en VO ou dans sa version française, le casting-voix est impressionnant : Kevin Conroy qui officie en Batman dans la version américaine nous gratifie d’une interprétation subtile et inoubliable tandis que la version FR du milliardaire justicier est campée par notre Richard Darbois national (Bruce Willis, Harrison Ford ou Buzz l’éclair entre autres). Quant au Joker, saviez-vous que Mark Hammil lui prêtait sa voix ?

 

 

Ces nombreux hommages cohabitent ainsi dans une ville qui, elle aussi, s’est construite sur des références travaillées avec soin. Si la première image qui nous vient est celle du Metropolis de Fritzlang, Gotham est le fruit d’une direction artistique polymorphe. De mémoire de grand-enfant, on n’a jamais vu de ville aussi organique que Gotham. Preuve de l’impact de la Direction Artistique dans cette édification, la ville de Gotham a sa propre histoire, un véritable Storytelling posé pour la première fois par Alan Moore dans le Comics Swamp Thing #53 : « Fondée en 1635 par un mercenaire norvégien et reprise plus tard par les britanniques, Gotham fut le théâtre d’une des plus importantes batailles de la Guerre d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique. La ville devient une métropole florissante au XIXè siècle et les guerres de pouvoirs allant avec profitent à l’éclosion des mafias, des gangs violents et de la corruption ». 

 

 

LA FORME

Le storytelling, base d’une bonne communication

Ce Storytelling porte toute l’âme de la ville et sous les traits de Bruce Timm, Gotham prend vie malgré toute la noirceur qui la ronge, une vie protéiforme, sale, froide, violente. Mais Batman The Animated Series est avant tout une histoire de dualité : Batman/Bruce Wayne, Batman et le Joker, l’amour et la violence qui cohabitent chez Harley, tantôt amoureuse, tantôt suicidaire, et surtout Gotham le jour face à Gotham la nuit.

 

La ville comme personnage principal

C’est dans l’architecture de la ville, résolument gothique, que tient une bonne partie de son ambiance. On y retrouve la trace de l’expressionnisme allemand de Murnau et consœurs mais pas seulement : art déco, art nouveau, Gotham mêle l’exubérance de Miami avec la froideur de Chicago, et chaque style architectural est exagéré pour lui donner l’âme d’un personnage schizophrène à part entière. On y trouvera également des éléments steampunk, japonisant ou grec. Le travail de Bruce Timm ne fait pas débat et son Batmanverse est unanimement reconnu. Certains sont allé jusqu’à dire qu’il avait inventé un nouveau style : le DARK DECO.

 

 

Le souci du détail

Au sein de cette entité urbaine organique, les personnages évoluent dans un univers créé de pièces rapportées d’ici et là : les blimps (vieux dirigeables) de la police qui ouvrent le générique (un des meilleurs génériques du monde), les vieilles voitures du temps d’Al Capone, les sulfateuses de Bugsy Malone, les tripots à poker et autres chapeaux feutre nous plongent dans l’ambiance délicieusement retro des années 40 (l’ère du Golden Age du Comics américain). La direction artistique sur cette série est tellement cohérente qu’elle va jusqu’à afficher du Kandinsky dans une villa Art Deco ou à coller des gargouilles à la place des aigles sur une réplique du Chrysler Building (1928-1930), monumental édifice de granit, d’acier et de verre, parfait symbole de Gotham City.

 

 

 

 

Batman The Animated Series est une œuvre complète qui vous prend aux tripes dès les premières secondes de son générique et vous tient en haleine de bout en bout. Tout cela ne serait pas possible sans une direction artistique particulièrement riche et légitime.

Comme un cuisinier fou de fusion, un bon directeur artistique est capable de mêler plusieurs codes pour créer sa propre ambiance.

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